CORPORELS (COMPARTIMENTS)

CORPORELS (COMPARTIMENTS)

CORPORELS COMPARTIMENTS

Dans la conception actuelle, un compartiment corporel, représentant l’espace de diffusion d’un traceur, coïncide plus ou moins avec un secteur physiologique, hydrique et minéral. Sa grandeur et ses limites reposent essentiellement sur des mécanismes dynamiques d’échanges. Après équilibre, les traceurs s’intègrent dans les processus de renouvellement métabolique et s’éliminent lentement de l’organisme. Des renseignements peuvent ainsi être obtenus pour la demi-vie biologique de l’eau totale, des ions Cl^— ou Na⁺, etc.

Trois types de traceurs sont utilisés. Les uns sont supposés s’arrêter aux parois des compartiments (thiocyanate; inuline; Br; antipyrine; divers bleus), mais n’en sont pas des constituants normaux. Ils servent à apprécier le volume du liquide plasmatique sanguin. D’autres s’échangent avec un constituant caractéristique d’un compartiment (hématies ou protéines marquées): le Na échangé en une heure (ou le Cl) correspond à l’espace extra-cellulaire. Au contraire, le K correspond à la masse cellulaire: c’est une «masse échangeable» qui équivaut d’un point de vue cinétique à un espace de diffusion. On évalue ainsi le volume total des liquides interstitiels des espaces intercellulaires. Enfin les changements de vitesse de diffusion du glucose, ou même de l’eau lourde, permettent à la fois de mesurer les compartiments et de démontrer la réalité des phénomènes de membrane.

Chez l’homme le compartiment circulant ou masse sanguine peut être mesuré par le volume plasmatique en utilisant la diffusion d’un colorant, le bleu Evans, ou celle d’une protéine marquée au ¹³¹I, ou plus simplement le chlorure de chrome radioactif. La mesure de l’hématocrite (pourcentage des globules rouges dans le sang) permet ensuite de calculer la masse circulante totale. Le compartiment extra-cellulaire peut être mesuré par l’espace de diffusion du thiocyanate de sodium SC^— en 45 à 120 minutes, du ²⁴Na en une heure, du Cl, du Br.

Le compartiment cellulaire peut être mesuré par le potassium échangeable en 24 heures, la masse cellulaire maigre (autrement dit, réserves grasses détuites) contenant en moyenne par kilo de poids pour le potassium 65 mEq chez l’adulte et 53 mEq chez le vieillard. On peut également l’apprécier en soustrayant l’eau extra-cellulaire de l’eau totale, l’hydratation moyenne de la masse cellulaire étant de 73,2 p. 100.

On peut mesurer directement et simultanément plusieurs compartiments corporels: le volume plasmatique (V.P.) par le bleu Evans; le volume globulaire (V.G.) par les globules rouges marqués au radiochrome; l’eau totale (H²ⁱ) par l’eau tritiée; le liquide extra-cellulaire (L.e.c.) par le Cl échangeable, le Na échangeable ou le radiobrome. Ces mesures rendent possible une véritable «dissection» de la structure corporelle.

La réalité est complexe:

Les traceurs ne diffusent pas dans un compartiment véritablement bien délimité, d’où seuls les mécanismes d’excrétion les retirent. En réalité, presque toutes les substances injectées dans le système vasculaire vont diffuser avec des vitesses constantes pendant un certain temps, puis avec une autre vitesse pendant la traversée du compartiment suivant et ainsi de suite. En gros, la diffusion des corps subit deux changements de vitesse. Le premier caractérise la fin de la diffusion rapide dans le compartiment vasculaire; le second, la fin d’une diffusion moins rapide dans le compartiment dit extra-cellulaire. Ainsi, la limite des «compartiments», si elle n’a pas la rigueur anatomique classique, semble déterminée par l’intervention de systèmes physiologiques qui ralentissent de façon comparable la diffusion de composés aussi divers que le sodium, le glucose et même l’eau.

Si sur le sujet normal on peut ainsi mesurer de façon reproductible, donc définir, les compartiments dits vasculaires et extra-cellulaires, ils ne sont en réalité que la résultante de diffusions partielles complexes, si bien que, lorsqu’on applique ces méthodes de mesure à des états pathologiques, on observe des faits difficiles à interpréter. Ainsi, des compartiments ascitiques ou pleuraux ne font pas partie du compartiment extra-cellulaire défini par la diffusion d’un traceur en 45 ou 60 minutes. Le compartiment vasculaire est loin d’être un véritable «pool» uniforme, surtout en pathologie, où certains secteurs sont activement vascularisés et d’autres non.

Les masses totales d’ions échangeables ne rendent pas compte de leurs activités physiologiques. Mais la masse renouvelée à l’heure en tient compte.

En définitive, les compartiments corporels sont la manifestation mesurable de ce que Bichat et Claude Bernard avaient pressenti sous le nom de systèmes généraux. «Il y a dans l’organisation générale des animaux un certain nombre de tissus simples qui sont partout les mêmes, quel que soit l’endroit où ils se trouvent placés, qui ont les mêmes propriétés vitales et physiques [...] et qui, véritables éléments organisés de l’économie vivante, sont combinés 4 à 4, 5 à 5, pour former les organes composés» (Bichat, Introduction à l’anatomie descriptive , 1801).

Encyclopédie Universelle. 2012.